Voleur à l'hôpital central [Heather]

Le jeune Woods ne savait plus où il en était dans sa vie extérieure tant intérieure. Tout son univers se modifiait sans que lui puisse faire la moindre chose. Ses amis se sont découverts des pouvoirs, Jay était couché à l’hôpital et lui comme une pauvre âme errante dans les limbes n’était capable de rien faire pour que les choses changent.

En cette soirée peu agréable au vue de la pluie qui inondait les rues de New Way, le cadet de la bande des 6 se trouvait devant l’hôpital, une grande veste doublée à capuche sur le dos, le faisant passer pour un voyou de base. Il l’avait déjà fait avec ses amis mais cette fois-ci il était seul. Effectivement tout comme il se sentait seul dans sa tête et dans son cœur, Cameron voulait à nouveau pénétrer dans l’hôpital mais cette fois-ci pour faire autre chose qu’une visite à son ami. Sa bande et lui avait déjà fraudé pour rendre visite à Jay mais ce soir il avait autre chose en tête. Après la découverte des pouvoirs de ses amis, le jeune homme était persuadé que les scientifiques conservaient tous les dossiers médicaux des habitants de la vielle. Si ses amis avaient raison, la fumée de la bombe avait eu un effet sur leur organisme. Après réflexion et suspiçion de ses amis, il se persuada que son don était en fait son agilité dont il n’avait jamais eu connaissance avant. Convaincu de ses nouvelles capacités physiques, le garçon entra dans l’hôpital pour y supprimer toutes les données concernant ses amis et lui-même.

Lorsque les portes automatiques se refermèrent derrière lui, là planté droit comme un i dans le hall d’entrée grouillant de monde et de personnel hospitalier, il avança lentement vers le premier couloir. Fixant de ses yeux émeraudes la porte désirait, il marchait sans faire attention aux personnes autour de lui. Il porta sa main vers la poignée de la dite porte mais celle-ci comme toute porte renfermant quelque chose de privé était fermée à clé. Comment Woods a-t-il pu croire que cela serait si facile. Crachant sa morgue dans le couloir, il fit promptement demi-tour et sortit aussi vite de la structure médicale. Il chercha un moment une autre solution puis se décida de faire le tour et de passer par l’extérieur du bâtiment. Il avança vers les murs de l’hôpital et il chercha des yeux une pièce colorée de rouge comme elle l’était vu de l’intérieur. Une fois en dessous de fenêtres au couleur rougeâtre, il enleva son gros manteau laissant la pluie laver ses habits. Il sauta une fois, puis une autre fois mais sans avoir accès à la fenêtre. Même en prenant de l’élan, l’échec fut aussi au rendez-vous. Il décida de se concentrer un moment relâchant tout son stress dans ses main et sauta à nouveau. Cette fois-ci, comme une force venue de nulle-part, il réussit à atteindre la fenêtre à 2m50 au dessus de lui. Se cramponnant vivement, il se hissa sur le bord de celle-ci tout content de son exploit. Un sourire se dessina sur son visage. Enfin, il se sentait comme ses amis, sans être exclut de la bande parce qu’il n’avait pas de pouvoir. Son agilité, pensait-il, était son pouvoir…

Tournant la tête vers la vitre, il ne réfléchit pas plus de deux secondes avant de l’exploser avec son pied. Un bruit sourd se fit entendre mais Cameron n’était pas un espion et pour lui cela n’allait avoir aucune conséquence. Pensant faire à nouveau appel à son agilité, il voulu sauter gracieusement de la fenêtre mais il mangea méchamment à l’atterrissage. Allongé de tout son long, il frappa le sol avec sa main, maudissant la versatilité de son pouvoir.

Quoiqu’il en soit, il se releva rapidement et commença à fouiller dans les papiers de l’hôpital pour trouver les fiches de ses amis.

Les médecins militaires et l’hôpital de New Way travaillaient en étroite collaboration… ou du moins, c’était la théorie officielle car on peut difficilement appeler collaboration un échange à sens unique. Si l’hôpital de New Way était obligé par les ordres gouvernementaux de mettre à disposition des nouveaux venus tous les dossiers médicaux de la population de New Way ainsi que le matériel de pointe qu’ils possédaient, ils ne savaient pas plus que quiconque à quoi tout cela aboutirait.

Cependant, parce que des relations cordiales sont importantes entre collègues, Heather s’était fait un devoir d’instaurer une certaine cordialité, notamment en discutant ou en donnant un coup de main lorsqu’elle se rendait à l’hôpital. Elle avait par exemple dû venir demander l’emprunt d’un dispositif d’analyses cet après-midi, mais n’appréciant pas vraiment de réquisitionner cela sans rétribution, elle en avait profité pour proposer son aide lors d’une urgence.

Maintenant que le rush était terminé, il était cependant temps qu’elle se retire afin de déposer les papiers dont elle avait besoin à son bureau avant de rentrer à l’hôtel pour la soirée. Elle le fit savoir au directeur de l’hôpital qui lui proposa de l’accompagner. Ils discutaient tranquillement, en direction de son bureau, lorsqu’il fut rappelé par un collègue. Lui confiant son pass pour qu’elle s’installe en l’attendant, il la laissa continuer son chemin.

Passant distraitement une main sur son visage pour tenter de chasser un peu de la fatigue qu’elle accumulait, Heather s’arrêta brusquement. Elle fixa la porte à sa gauche. Celle de la salle des archives. Ne venait-elle pas d’entendre un bruit de vitre cassée ? Elle ne rêvait pas. Voilà que d’autres sons se faisait entendre. Fronçant les sourcils, elle récupéra le pass qu’elle avait laissé dans la poche de sa blouse et le passa sur la borne de reconnaissance. Au diable les bonnes manières voulant qu’elle n’aille pas où on ne l’attendait pas, c’était bien trop bizarre. Quelqu’un avait-il laissé la fenêtre ouverte (par ce froid !) ?

La serrure céda dans un léger clic, et elle poussa la porte, permettant à la lumière électrique du hall de pénétrer dans la pièce sombre. Elle se figea en apercevant une silhouette fouillant dans les tiroirs, et derrière elle la fenêtre ouverte, des morceaux de verre jonchant le sol à ses pieds.

« Que faites-vous là ?! » s’écria-t-elle sans même prendre le temps de réfléchir à ce qui était le plus sûr pour sa sécurité. Un étranger avait pénétré par effraction dans un hôpital et fouillait dans des dossiers confidentiels, par tous les dieux ! C’était bien la première fois qu’elle voyait ça, mais la surprise ne surmontait pas l’outrage face à un tel manque au règlement et à la vie privée des gens. Qui aimerait qu’un inconnu fouille dans son dossier médical ?!

Lorsque l'inconnu se tourna vers elle, elle aperçut vaguement des traits jeunes et masculins. Faisait-il partie de ce gang armé qui attaquait les militaires, dont elle avait vaguement entendu parler ? Elle fit un pas de recul, prête à crier pour alerter la sécurité de l’intrusion.

Très vite le garçon avait mis la main sur le dossier de Savannah et l’avait rangé dans son pantalon. Hélas pas tout y entrait, il du donc se contenter de le garder à la main. Il partit à présent à la recherche des dossiers concernant Jack. Il se dirigea vers les placards des C et reprit sa fouille.

Tout en faisant vaciller les fiches entre ses doigts, il se remémora la soirée qui s’était déroulée chez lui. L’annonce de tous ses amis sur leur pouvoir et lui qui n’en avait pas. Lex et Sam qui parlèrent d’un médecin aux pouvoirs curatifs… Tout cela allait trop vite pour le jeune garçon mal dans sa peau. Certes il avait des problèmes mais cette situation n’arrangeait rien à son mal être. D’un post-adolescent revanchard il était devenu un cambrioleur en herbe sans trop y avoir été préparé. Désespéré pour sa personne mais volontaire pour sauver celles de ceux qu’il aime, Woods était prêt à faire des étincelles. Même s’il n’avait pas de pouvoir ou que le sien soit bien l’agilité, il se devait de faire cette effraction.

Si jamais Jason et Jack apprenaient ceci, Cameron n’aurait plus longtemps à vivre. Car agir de la sorte, aussi stupidement, sans s’y être préparé, sans avoir averti personne était digne du plus crétin des voleurs de ce monde.

Alors que le jeune garçon faisait défilé quantité de fiches entre ses doigts pour voir enfin le nom d’un de ses amis, il fut stoppé dans son entreprise par l’entrée impromptue d’un docteur. Plutôt d’une doctoresse mais Cameron ne le comprit que lorsqu’elle lui demandé ce qu’il faisait ici. Pris dans la précipitation, Woods voulu partir en courant mais au vue de la maîtrise de son hypothétique pouvoir d’agilité, il préféra pas emprunter une voie qui pourrait lui être encore plus néfaste.

Tendant vivement sa main en direction de la femme pour lui faire signe de stopper toute action il clama sans un rial dans sa voix :

"Fermez-la, sinon on va tous les deux mourir… !"

Perdu pour perdu, le playboy préféra prendre le chemin de la vérité, partielle peut-être mais vraie.

"Si je suis là c’est pour sauver la vie personnes qui à cause des examens que vous leur avez fait risque leur vie. Pourquoi croyez-vous que les militaires sont ici et vous demandent de faire tous ces examens ?"

Il avança délicatement vers le médecin, la fixant bien droit dans les yeux. Ses pas ne faisaient presque aucun bruit sur le sol tandis qu’il avançait toujours en direction de son interlocutrice. Il porta son index gauche à sa bouche, symbolisant le silence, signalant une fois de plus à celle qui l’avait surpris la main dans le sac de ne rien dire. Son regard doux, ses yeux charmeurs Cameron tel un animal qu’on va abattre en sacrifice n’était plus très loin de la demoiselle.

Avec une telle expression sur son visage, on lui aurait donné le bon Dieu sans confession mais Cameron n'avait pas l'intention de jouer les enfants de coeur. Il voulait juste gagner du temps pour sauver ses amis. S'il s'avérait que la scientifique était bornée ou au courant des méfaits des militaires, Woods devrait employer une méthode plus musclée mais plus risquée pour lui aussi, il n'était pas invinsible comme Lex. S'il avait eu le pouvoir de Savy il aurait pu disparaître en s'envolant par la fenêtre en se métamorphosant en oiseau. Mais sa foutue agilité (pensait-il) ne lui servait à rien dans un tel cas!
Dans l'autre cas, si la scientifique avait de la curiosité ou qu'elle se doutait de quelque chose, elle laisserait sa chance au garçon de s'expliquer et de sortir sans déclencher l'alarme de l'hôpital.

Heather eut un mouvement de recul instinctif lorsque l’individu ‘suspect’ eut un geste brusque dans sa direction. Mais, lorsque rien ne vint la frapper et qu’elle eut assimilé les paroles qui accompagnait ce geste, c’est une expression ébahie et dubitative qui prit la place de la peur et de la surprise. Mourir tous les deux ?! Qu’est-ce que ce type lui racontait ?! Essayait-il de l’embobiner pour qu’elle ne donne pas l’alerte ou était-il tout simplement fou et dangereux ?
Elle s’apprêtait à appeler à l’aide – elle avait croiser des ambulanciers à la croisée des couloirs, ils sauraient probablement maîtriser cet homme, qui qu’il soit – lorsqu’il reprit, attirant à nouveau et plus sûrement son attention. Sauver des vies ? Examens ? Militaires ? Elle ne voyait pas encore tout à fait quel était le raisonnement derrière ses paroles, car en tant que principale concernée des sujets abordés, elle pouvait bien dire que tout cela ne se tenait pas, mais il avait réussi à arrêter sa première réaction en la faisant réfléchir. Qu’il invente des excuses pour essayer de la divertir ou qu’il y croit vraiment et soit totalement à côté de la plaque, elle ne saurait dire mais ça méritait peut-être réflexion.
Remarquant finalement qu’il s’avançait invariablement vers elle, elle leva la main, paume ouverte.

« N’avancez pas. » exigea-t-elle d’une voix plus calme et mesurée que précédemment, mais dans laquelle la méfiance était clairement audible.

Elle le fixa, impassible. Elle ne décelait aucun signe d’agressivité dans son expression. Bien qu’un peu tendu, il semblait ouvert… Comédie ou pas, Heather avait eu assez d’expériences avec des cas ‘particuliers’ pour ne plus se faire avoir par les gueules d’anges. Lorsqu’il s’agissait de son job, bien peu de choses pouvait l’embobiner. Lorsqu’elle fut sûr que cet homme restait à distance, elle répondit :

« Je ne sais pas ce que vous essayer de faire ou de prouver, mais ces dossiers ne contiennent que l’historique médical classique des patients. Tous les résultats des examens réalisés par les médecins militaires sont sous clé dans leur bâtiment. Pourquoi croyez-vous qu’ils confieraient leurs recherches à des civils ? »

Elle ne put s’empêcher de laisser passer un brin de sarcasme dans sa voix, bien que ce ne soit pas vraiment des plus diplomatiques. Quelque soit l’objectif de ce garçon, il s’était bien monté la tête pour parler avec tant de suffisance de quelque chose qu’il ne connaissait nullement. Et s’il ne savait sans doute pas qu’il s’adressait à quelqu’un qui avait tout à voir avec ces examens qu’il semblait tant redouté, Heather ne pouvait quand même s’empêcher de trouver cela un peu ridicule et blessant. Sans blague, à l’entendre on aurait pu croire qu’il s’amusaient à passer toute la population au peigne fin pour les tuer les uns après les autres ! Il fallait arrêter les films de science fiction.

« De plus, ces dossiers médicaux que vous détenez ont des copies ailleurs, et en les retirant la seule chose que vous gagnerez c’est rendre suspicieuses ces « personnes » que vous tentez soit disant de sauver, lorsqu’on en aura retrouvé les noms. Alors rendez-moi ces dossiers. » termina-t-elle pour convaincre son interlocuteur.

Elle tendit la main, dans un signe indiquant qu’elle s’attendait à récupérer ces dossiers avant toute chose. Elle lui décochait un regard méfiant et prudent, mais nullement agressif. S’il entendait raison et lui rendait ses dossiers, elle serait peut-être prête à croire sa bonne foi et passer sur l’incident. Dans le cas contraire, il avouerait simplement sa culpabilité et ils n’auraient que des ennuis, l’un comme l’autre.

Mais quel crétin. Après avoir écouté les dires du médecin, le jeune homme voulu se tirer une balle dans la tête. Avoir fait tout ça pour rien. Décidément il aurait mieux fait d’en parler aux autres avant. Ils lui auraient passé un savon mais ils lui auraient sans doute fait ouvrir les yeux sur la stupidité de l’entreprise. Néanmoins, il ouvrit rapidement le dossier de Savannah pour survoler les données et vérifier que le médecin ne mentait pas. Effectivement cette bonne femme avait raison. Il referma le dosser légèrement énervé puis écoutant ce qui semblait être le dernier avertissement de son interlocutrice, il lui hésita un moment avant de remettre le dossier de son amie entre les mains du docteur. Ne faisant cela il condamnait Savy en quelques minutes. Reculant alors lentement avec un regard de pauvre chat abattu, il dit :

"Laissez-moi le reposer à sa place… S’il vous plaît…"

Il ouvrit le long tiroir des A et des B et fouilla de le plus vite possible pour replacer le dossier Andrews. Dans sa précipitation, il calla le dossier au mauvais endroit alors pour faire plus simple, il bouscula tous les dossiers A et B pour tout mélanger au risque de rentre furiseuse la doctoresse.

"Voilà maintenant vous pouvez appeler la sécurité et dire au revoir à la vie. Parce si j’ai été assez stupide pour croire que je pourrais sauver mes amis, vous l’êtes encore plus à vous plier aux demandes des militaires sans vous poser la moindre question. Je me doute bien que vous n’aurez que faire de mes racontars mai lorsque vous aurez un 9mm devant les yeux, repensez à ce que je vous ai dit… "

Cameron jouait le bluff d’éveiller et la curiosité de son interlocutrice soit de lui faire peur. Dans les deux cas, il pourrait trouver une issue confortable à sa désastreuse escapade. Il lui restait une carte dans sa manche à abattre mais il ne voulait pas la sortir pour le moment. Il savait que sil la sortait, non seulement lui et le médecin aurait des problèmes mais une troisième personne risquait encore plus gros.

Il regarda un moment la pièce rougeâtre avant de fixer à nouveau son regard sur Heather. Il ne perdait ni son sang froid ni ses esprits, voulant à tout prix réparer ses erreurs et surtout ne porter aucun préjudice à sa bande. Il s’en voudrait à mort, s’il arrivait quelque chose à Savy à cause de lui. Pourtant cela partait d’un bon sentiment mais cet acte prouvait au monde entier à quel point il pouvait impulsif, irréfléchi mais généreux. Cependant, les militaires n’auront que faire de ça lorsqu’ils iront capturer Savy et les autres suite à sa bourde. Evidemment, si Savannah était soupçonnée, les cinq autres de la bande seraient immédiatement soupçonnés à leur tour. Woods se mordit la joue en signe de totale énervemment envers sa pomme, stupide pomme…

Ne voyant aucun inconvénient à ce qu’il replace les dossiers lui-même, réparant ainsi son acte, Heather laissa son interlocuteur reculer, un simple hochement de tête donnant son approbation. Bien que légèrement curieuse, elle n’était pas vraiment intéressée par l’identité de ces personnes qu’il essayait de « sauver ». Bien que ce soit assez suspicieux, il fallait l’avouer, leur ami semblait agir sans leur accord, et il était si étrange qu’il n’y avait peut-être rien de concret derrière sa décision. Laissons donc les noms de ces individus de côté, ça lui ferait une chose de moins à cacher et pour laquelle s’inquiéter. Elle avait déjà bien assez en tête actuellement.

Lorsque le jeune homme chamboula tous les dossiers dans sa hâte et son désir de cacher les dossiers qu’il avait pris, en revanche, elle fut légèrement moins calme et tolérante. L’expression d’Heather était si caricaturale qu’elle aurait pu être tiré de l’un de ses mangas où les gens étaient parfois représenté avec une goutte sur la tête, les épaules basses en signe de désespoir. Elle allait devoir remettre en place tous ses dossiers elle-même pour que personne ne le remarque ! Crétiiiiiin !

Fusillant du regard ce barbare avec un petit pois à la place de la cervelle, elle lui fit signe de se pousser pour qu’elle ait accès au tiroir et range tout elle-même. Elle avait les dent serrées et faisait de son mieux pour ne pas crier sur cet abruti, choisissant de l’ignorer tout simplement. Après tout, elle en était venu à la conclusion, après qu’il eut désiré ranger les dossiers lui-même, qu’il ne mentait pas – ou du moins pas entièrement – et était tout simplement de ceux qui ne réfléchissaient pas avant d’agir. Elle avait dès lors considéré qu’il n’était peut être pas aussi dangereux qu’elle le craignait et qu’elle pouvait se permettre d’être à une distance raisonnable. Il ne comptait pas lui sauter à la gorge dès qu’elle aurait baissé sa garde.

Lorsqu’il reprit la parole en revanche, sa patience déjà assez mise à mal s’affina d’autant plus qu’il insistait pour continuer sur la même voix de la stupidité paranoïaque de ceux qui ne savent pas de quoi ils parlent et craignent tout simplement ce qu’ils ne comprennent pas. Elle s’arrêta dans son tri pour le fixer froidement, son ton indiquant clairement qu’elle arrivait le point de non retour niveau patience.

« Ça doit vraiment être dur de vivre aussi paranoïaque. » remarqua-t-elle avec détachement. « Écoutez monsieur-je-ne-réfléchis-pas-avant-d’agir, je me fous pas mal de vous remettre aux autorités, et je vous conseille plutôt de repartir par où vous êtes venu avant que vous ne nous attiriez à tous les deux des ennuis. Mais avant que vous ne retourniez crier au loup un peu plus loin, je vous ferais savoir que votre manière de considérer les médecins de cet hôpital comme des toutous ne se posant pas de questions est non seulement insultante mais loin de la vérité. Cet hôpital ne fait que fournir le matériel et les informations requises par les réquisitions militaires, et ce sans beaucoup d’enthousiasme. Mais contrairement à certains ils sont assez intelligents pour savoir ne pas avoir le choix, au risque, non pas d’être massacré par des barbares, mais de se retrouver retirer de leurs fonctions et incapables de continuer à aider la population qu’ils ont toujours protégé. Alors ne vous prenez pas pour plus intelligent et mieux renseigné que vous l’êtes et foutez moi le camp voulez-vous ? »

Excédée, elle conclut son discours et retourna à son classement. Misère, elle ne supportait pas ce genre de personnes. Elle en avait déjà bien assez croisé dans son métier. Et si elle n’était pas vraiment la cible des paroles de cet importun dans la théorie, elle connaissait et respectait assez ses collègues de l’hôpital pour savoir ce qu’ils pensaient (ou du moins, dans la majorité la plus indépendante d’esprit). Dans la même situation, si les choses avaient été inversé, c’aurait été tout à fait son sentiment, et qu’un imbécile vienne l’accuser d’être une brebis aveugle l’aurait vraiment mis hors d’elle. En l’occurrence, elle se faisait donc l’avocat de ses collègues et s’intéressait peu au fait que sa façon de parler – mettant une certain distance entre elle et ces médecins – révélait à une personne vive d’esprit qu’elle n’était pas vraiment concernée par le sujet.

Spoiler:

En voyant le docteur s’avancer pour ranger les documents, Cameron ne saisissait plus trop la situation. Alors qu’on aurait du lui crier dessus ou l’interroger sur ses dires, le médecin faisait mine de rien et comme si le jeune homme n’existait pas, elle s’affairait au travail. Surpris donc mais pas pour autant énervé, il vit là l’occasion de se faire la belle sans plus attendre.

Son interlocutrice consentit enfin à lui parler laissant largement sentir à Woods le certain agacement qu’elle éprouvait suite aux accusation de ce-dernier. Elle le qualifia de paranoïaque, de Mr sans cervelle bref tout son discours laissa froid le garçon qui n’écoutait en rien ce blabla qui pour lui était improductif pour sa personne. Au vue de sa situation actuelle, la seule chose à laquelle il pensait c’était de partir et vite. Inutile de lui parler de tout ce qui semblait tenir à cœur à Heather. S’il avait parlé du danger des militaires c’était avant tout pour sauver sa pomme et non pour entrer dans un débat sans fin avec elle. Il capta cependant les mots qui l’intéressait tel que partir sur le champs et qu’elle ne le dénoncerait pas aux autorités.

Néanmoins la seule idée de devoir lui faire une démonstration de son supposé don d’agilité ne l’enthousiasmait pas tant que ça. Certes le docteur ne semblait pas être une sadique ni même une femme trop curieuse mais voir un jeune homme faire un bond de plus de trois mètres cela pouvait donner à réfléchir même aux plus sceptiques. Surtout que le but de sa mission, si tenté qu’on puisse appeler ça une mission, était de tout faire pour éviter que l’on ai des soupçons sur la bande des six et surtout montrer qu’ils ont des pouvoirs. Alors que faire ?

Camy décida une fois de plus de jouer les débiles pour se sortir d’affaire. Dans ce genre de situation il était très fort mais de là à penser qu’il pourrait berner si facilement une femme sans doute cent fois plus cultivée que lui, n’était-ce pas légèrement stupide ? Il opta donc pour une pratique toute en douceur mais hélas elle ne put aboutir faute de moyen. Il n’avait d’autre solution que de sortir par la porte principale. Mais comment passer incognito quand on sort d’un lieu où personne en théorie n’a le droit de pénétrer. Il opta donc pour une pratique toute en douceur, usant et jouant de sa supposée infinie crétinerie en disant :

"En fait je me suis aidé d’une échelle pour monter jusqu’à la fenêtre… De ce côté je me retrouve coincé, j’y avais même pas pensé…"

Effectivement plus débile c’était pas possible. Il jouait cependant avec le feu vu que la patience de son interlocutrice semblait arriver à son point de non retour.

Elle avait espéré voir l’intrus partir sans demander son reste dès qu’elle lui aurait assuré qu’elle ne le dénoncerait pas, afin qu’elle termine au plus vite le tri des dossiers et puisse retourner ni vu ni connu au bureau du directeur. Malheureusement, cet individu hors normes et considérations classiques ne semblait jamais vouloir faire ce qu’on attendait d’une personne un minimum sensée, et se contenta de rester planter là sans même réagir à ses paroles. Il essayait vraiment de l’énerver ou quoi ?

Lorsqu’il reprit la parole, elle lui jeta un regard inquisiteur qui se transforma rapidement en un coup d’œil incrédule. Si elle était assez bien élevée et réservée pour ne pas dire ce qu’elle pensait tout haut, il était très facile de deviner le fond de sa pensée, qui se résumait facilement par : *Ce type est un idiot fini !* Elle n’avait jamais vu quelqu’un accumuler des bourdes aussi grosses en un temps aussi court, il battait les records.

Rapidement cependant, l’incrédulité fit place à l’agacement. Parce qu’évidemment, maintenant qu’elle avait décidé qu’elle n’allait pas alerter le service de sécurité de l’hôpital, elle se retrouvait moralement obligée à le sortir d’affaire si elle ne voulait pas que ça finisse mal ! Elle serra les dents pour contrôler la moutarde qui lui montait au nez, et manipula les dossiers médicaux avec peut-être un peu plus de brusquerie que nécessaire. Lorsqu’elle eut estimé que le tout était à peu près raisonnablement rangé, elle avait pris sa décision.

« Suivez-moi. » lança-t-elle au jeune homme en se retournant enfin vers lui (elle l’avait ignoré une petite minute depuis sa révélation, le temps qu’elle réfléchisse au meilleur moyen de le faire sortir sans l’étrangler et l’envoyer à la morgue).. « Et ne dites rien, ne faites rien de stupide ! » lui souffla-t-elle lorsqu’ils sortirent de la pièce. Des fois qu’il lui suffise d’ouvrir la bouche pour tout foutre en elle… plus rien ne la surprendrait à ce niveau.

Elle referma la porte derrière elle dans un clic sonore et entraîna sa nouvelle charge vers les escaliers. En compagnie de la doctoresse, il n’avait rien à craindre et le personnel médical qu’ils croisèrent leur jeta à peine un regard avant de s’intéresser d’eux. Malheureusement, ce qu’Heather craignait se passa : le directeur de l’hôpital remontait justement. Ils se croisèrent sur le pallier et elle préféra prendre l’initiative.

« Ce jeune homme est resté après les heures de visite au chevet de l’un de ses amis, je le raccompagne à la sortie et je vous rejoins. »
« Ah. Oui. Jason Sawyer n’est-ce pas ? Allons votre ami va se remettre, vous ne devriez pas le fatiguer plus que nécessaire en revanche jeune homme. » remarqua le directeur avec un sourire compatissant à l’attention de Cameron. « Très bien, merci à vous Docteur Lynch, à tout de suite. »

Heather hocha docilement la tête, bien que son cœur battait la chamade. Elle n’avait même pas pensé à ce que le directeur puisse connaître ce garçon ! Quelle idiote ! Elle avait tellement l’habitude des grandes villes qu’elle en oubliait les réalités de New Way ! Elle avait eu une de ses veines qu’il ait vraiment un ami à l’hôpital ! Enfin plus ou moins… Jason Sawyer ? Que faisait-il ici ? Était-ce pour lui que ce garçon avait pris autant de risques ? Non, c’est le casier des noms commençant par A qu’il avait foutu en l’air… Enfin qu’importe, ce n’était pas la question la plus pressante pour le moment. Toujours est-il que cela confirmait une chose : Heather n’était vraiment pas faite pour les mensonges et les dissimulations. Elle s’était fait une belle frayeur sur ce coup là.

Ils arrivèrent enfin dans le hall de l’hôpital, assez actif pour que personne ne leur prête grande attention, et elle se retourna vers celui qui lui posait tant de problèmes :

« Voilà. Filez. » dit-elle simplement.

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